Eat’s Business #19
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur le développement du marché de niche des eaux de luxe, sur la reconquête de la souveraineté alimentaire en France, ainsi que sur une startup proposant du café sans café.
Dans cet épisode, sont aussi évoqué les chiffres du gaspillage alimentaire en France, le futur des restaurants gastronomiques post-pandémie et l’influence de TikTok sur les commandes Starbucks.
La souveraineté alimentaire en France est-elle atteignable ?
Le Point, La France peut-elle reconquérir sa souveraineté alimentaire ?, 18/05/20211
La souveraineté alimentaire est LE sujet dont tout le monde parle en ce moment et cet article du Point résume bien le problème.
L’article nous apprend que les échanges agricoles de la France ont rapporté l’an dernier 6,3 milliards mais que ce bénéfice a été divisé par deux en sept ans. Par ailleurs, nous importons 60 % des fruits que nous consommons, 40 % des légumes et ce n’est pas mieux au niveau de la viande, avec plus d’un tiers des volailles qui sont importées (contre 13 % en 2000). De même, 85 % des produits aquacoles que nous consommons (pêche et aquaculture confondues) viennent de l’étranger.
L’article avance plusieurs explications à cette baisse de l’indépendance alimentaire de la France :
- des charges sociales plus élevées
- une surrèglementation systématique en matière environnementale
- des faiblesses structurelles de filières mal organisées…
Des eaux de luxe qui manquent de transparence
Libération, Eaux de luxe : l’amer à boire, 18/05/2021
L’article s’intéresse à un segment de niche mais qui est en forte croissance.
Eau de mer puisée à plus de 300 mètres de profondeur au large des côtes bretonnes, eau prélevée dans des icebergs de l’Atlantique Nord… ces eaux vantées comme étant « pures » sont vendues dans des bouteilles en verre à la manière d’un grand cru classé.
Elles s’appellent Breeze, Odeep, Berg ou encore Antipodes Water et se vendent jusqu’à 10 fois plus cher que les eaux classiques (certaines vont jusqu’à 10,50 € pour une bouteille de 75cl, voire même 69€ pour Bling H20). Comme le précise l’article, ces eaux « autrefois réservées aux rayons confidentiels de quelques épiceries bio » sont désormais disponibles dans beaucoup de super et hypermarchés.
Mais, comme le rappelle l’article, la définition d’une « eau pure » est « floue » car « au sens chimique une eau pure est une eau déminéralisée, donc impropre à la consommation ». Pour la chercheuse Agathe Euzen, la pureté revendiquée par ces eaux se rapprocherait de la définition de Brillat-Savarin, à savoir « la transparence, l’absence de goût et la neutralité ». Et pour justifier leur positionnement luxe, ces marques d’eau jouent sur « l’esthétique de la rareté ».
Evidemment ces eaux ont un bilan carbone parfois peu flatteur et certaines pratiques posent question, notamment le fait qu’au Canada des chasseurs tirent sur les icebergs pour en extraire l’eau.
Un gaspillage alimentaire encore trop important en France
Le Parisien, Gaspillage alimentaire : en France, 5,5 millions de tonnes de nourriture jetées par an, 13/05/2021
Les résultats d’un sondage de l’institut OpinionWay pour le compte SmartWay (ex-Zéro-Gâchis) sont assez accablants.
Commençons par les bonnes nouvelles :
- 94 % des personnes interrogées affirment faire attention au gaspillage alimentaire
- 50% pratiquent au moins 5 gestes anti gaspillage au quotidien
- 60% pratiquent le tri des produits dans le frigidaire en fonction des dates limites de consommation, 56% congèlent des produits frais dès l’achat et 51% cuisinent de plus petites quantités
Mais du côté des mauvaises nouvelles :
- les Français jettent chaque année 5,5 millions de tonnes de nourriture, soit “de quoi nourrir 10 millions de personnes”
- 50% confient jeter au moins un type de produits (pain, légumes, produits laitiers…) tous les mois et 25% au moins 5 types de produits
- les 18-24 ans jettent 2 à 3 fois plus que les 65 ans et plus, tout type de produits confondus
Pour ceux qui veulent aller voir les résultats du sondage en détail, cela se passe ici.
Une startup qui propose du café avec 0 gramme de café dans sa composition
Bloomberg, Coffee Without Beans? A Startup Brews a New Cup of Joe, 12/05/2021
Après la “viande sans viande” ou le “lait sans lait” voici désormais le “café sans café”.
L’article s’intéresse à une startup FoodTech américaine qui se nomme Atomo Coffee qui produit un café qui est fabriqué à partir d’ingrédients recyclés, comme les enveloppes de graines de tournesol et les graines de pastèque, qui subissent un processus chimique breveté pour produire des molécules qui imitent la saveur et la sensation en bouche du vrai café. Le marc qui en résulte est infusé comme une tasse de café ordinaire et la boisson obtenue contient même de la caféine.
L’industrie du café pèse environ 100 milliards de dollars par an mais est l’une des plus vulnérables au changement climatique. Nous en parlions il y a quelques semaines, au cours des sept prochaines décennies, l’arabica risque de perdre au moins 50 % de sa zone de production, selon un rapport publié en 2019 par des scientifiques des Royal Botanic Gardens de Kew, en Grande-Bretagne.
Après plus de deux ans de développement, Atomo Coffee va enfin lancer son café cette année, avec, dans un premier temps des canettes de cold brew. À terme, l’entreprise prévoit d’étendre sa gamme avec des cafés instantanés, des cafés moulus et des cafés en grains. L’un des co-fondateurs d’Atomo Coffee présente d’ailleurs son entreprise comme “la Tesla du café”.
Et l’entreprise compte sur une subtilité juridique. En effet, l’article nous apprend que, contrairement à la viande et aux produits laitiers, le terme “café” n’a pas de standard d’identité réglementée par la Food and Drug Administration (l’équivalent américain de notre Agence Française de Sécurité Sanitaires des Produits de Santé). En somme, cela signifie qu’une boisson peut s’appeler “café” sans avoir à provenir d’un lieu particulier, ni même d’une plante particulière.
Atomo Coffee a déjà levé environ 11,5 millions de dollars en deux tours de financement depuis 2019.
TikTok : nouveau guide de recettes Starbucks
Buzzfeed, The Rise Of The Appuccino: How TikTok Is Changing Starbucks, 14/05/2021
L’article est inspiré d’un tweet publié début mai avec une photo d’une commande Starbucks d’une boisson contenant pas moins de 13 personnalisations.
L’article explique au préalable que l’appli Starbucks pèse de plus en plus dans le chiffre d’affaires du groupe. Selon un récent rapport de Starbucks, 26 % des commandes passées entre janvier et mars 2021 l’ont été par l’intermédiaire de l’application mobile, contre 18 % l’année précédente. De plus, l’article précise que lorsque vous commandez via l’application Starbucks, l’ajout de personnalisations est facile et presque encouragé. C’est ce que l’article nomme “l’ère de l’Appuccino”.
Mais le véritable contributeur de la montée en puissance de l’Appucino est à trouver du côté des réseaux sociaux, et plus particulièrement chez TikTok. En effet, sur ce dernier les suggestions de boissons personnalisées deviennent virales et des influenceurs de Starbucks (et même des employés) y montrent les boissons qu’ils préparent. D’une part, il s’agit du réseau star des adolescents mais, comme le précise l’article, contrairement aux adultes qui ont tendance à conserver la même commande de café pendant des décennies, les adolescents expérimentent de nouveaux goûts et de nouvelles commandes.
Et l’effet TikTok sur les commandes Starbucks est loin d’être insignifiant. Ainsi, un barista à Nashua, dans le New Hampshire, a raconté à BuzzFeed News que l’été dernier une boisson était devenue virale sur TikTok et s’est mise à représenter jusqu’à 20% des boissons qu’il préparait pendant le service de l’après-midi.
Et bien évidemment l’Appuccino a ses propres influenceurs sur TikTok. Allez donc voir le profil de Anna Sitar, qui compte pas moins de 9,2 millions d’abonnés.
Quel restaurants gastronomiques pour l’après-pandémie ?
Financial Times, Gastronomes look beyond pandemic to a revolution in French fine-dining, 14/05/2021
Le Financial Times s’intéresse à la réouvertures des restaurants trois étoiles français.
Comme le résume l’article, “Ces temples de la gastronomie française ont longtemps attiré les touristes étrangers fortunés, qui n’hésitent pas à payer plus de 1 000 euros pour un repas en tête-à-tête, tant qu’ils peuvent découvrir l’art de vivre à la française.”
Mais avec la pandémie ces clients ne devraient pas revenir avant un certain temps. Pour ces restaurants le défi est donc double : attirer les locaux et retenir les employés, dont bon nombre ont quitté le secteur pour se réorienter. Car, comme le résume Joerg Zipprick, cofondateur de La Liste, “la pandémie a révélé que le modèle économique des restaurants haut de gamme en France ne fonctionne tout simplement pas sans les touristes”.
Pour illustrer son propos, le journal est allé interviewer Yannick Aléno. Ce dernier affirme “J’ai trois ans de lutte devant moi” et précise que la moitié des 4 millions d’euros de réserves de trésorerie du groupe a été dépensée lors de la crise sanitaire. Selon lui, “il y aura beaucoup de victimes” parmi les restaurants trois étoiles. Il faut dire qu’avant la pandémie son restaurant phare générait plus des 3/4 de son chiffre d’affaires avec des clients étrangers, principalement d’Asie et des États-Unis. Et donc comme leur retour est peu probable avant quelques mois les portes de son restaurant resteront fermées jusqu’en septembre.
Selon Yannick Aléno, une des solutions pour les trois étoiles serait de “chercher à personnaliser les expériences en discutant au préalable avec les clients de l’occasion de leur dîner, des invités et de leurs goûts”. Ainsi, cette approche en mode “service de conciergerie” permettrait de mieux planifier les menus, ce qui améliorerait l’expérience du client et les finances du restaurant qui pourrait commander des quantités plus précises de chaque produit.