Eat’s Business #11
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur l’annulation du décret qui imposait de mentionner l’origine du lait, sur la polémique des vaches canadiennes de la filière beurre nourries à l’huile de palme, et sur les supermarchés Amazon fresh aux Etats-Unis.
Dans cet épisode, sont aussi évoqués la montée en gamme de la volaille française, l’explosion des importations de bœuf brésilien en Chine, les dark stores Monoprix dédiés à Amazon, les stratégies omnicanales de la distribution alimentaire et la bouteille de Bordeaux vendue à 1€69 chez Lidl.
Plus d’obligation de mentionner l’origine du lait
Ouest France, Les fabricants n’ont plus l’obligation de mentionner l’origine du lait, 12/03/2021 + L’Usine Nouvelle, Trois questions pour comprendre la décision du Conseil d’Etat sur l’origine du lait, 15/03/2021
Le Conseil d’État a annulé un décret gouvernemental datant du 19 août 2016 qui imposait, à titre expérimental, l’étiquetage de l’origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisées comme ingrédient dans des denrées alimentaires préemballées. Initialement prévue pour courir jusqu’à fin 2018, la période d’expérimentation avait par la suite été prorogée par décret jusqu’au 31 décembre 2021.
Le groupe laitier Lactalis a demandé l’annulation du décret, arguant que cette obligation était contraire au règlement du 25 octobre 2011 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. L’Usine Nouvelle précise que, pour Lactalis, “l’obligation d’étiquetage représentait une complexité” car le groupe est “présent dans plus de 100 pays à travers le monde”.
L’administration n’ayant pas pu démontrer de lien entre origine géographique et propriétés du lait (condition exigée par la Cour de justice de l’Union européenne pour autoriser un Etat à imposer un tel étiquetage au nom de la protection des consommateurs), le Conseil d’Etat a donc donné raison à Lactalis.
Dans sa décision, le Conseil d’Etat précise que, bien que les consommateurs donnent de l’importance à l’origine des produits, “en dehors de cette approche subjective, il n’y avait pas objectivement de propriété du lait qui puisse être reliée à son origine géographique”.
la polémique de l’huile de palme dans le beurre canadien
Le Monde, Pourquoi le beurre canadien ne ramollit pas ? La polémique du « Buttergate » met en cause l’utilisation de l’huile de palme, 05/03/2021
Focus sur ce que les médias de l’autre côté de l’Atlantique appellent le #buttergate. Il se trouve en effet que, depuis plusieurs semaines, les Canadiens ont un problème avec leur beurre, qui est devenu trop dur et s’étale mal.
Tout est parti d’un tweet publié le 5 février par Julie Van Rosendaal, une blogueuse culinaire. Par la suite, cette dernière a émis l’hypothèse que ce phénomène proviendrait d’un changement dans l’alimentation des vaches laitières. Dans une tribune, elle accuse notamment l’huile de palme. Cette dernière serait en effet utilisée comme complément alimentaire afin d’augmenter la production de lait ainsi que sa teneur en matières grasses.
Comme le précise Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires à l’université Dalhousie, “il n’y a rien d’illégal à donner de l’huile de palme aux vaches laitières, et rien n’empêche les producteurs laitiers de le faire”.
Montée en gamme de la volaille française
Les Echos, Label rouge et bio portent la filière volaille française, 10/03/2021
La filière volaille française a connu une bonne année 2020, aidée en cela par la pandémie et les freins qu’elle a mis au commerce international. Les achats de volaille des Français étaient en effet en hausse de 12,4% l’an passé, avec +10% pour les ventes de Label rouge et 6% pour le bio.
L’article rappelle par ailleurs les efforts faits par la filière ces dernières années : montée en gamme, investissements dans de nouveaux bâtiments, progrès en matière de bien-être, réduction de 60 % de l’utilisation des antibiotiques en dix ans. Mais surtout, les élevages français correspondent au modèle que souhaitent les Français et comptent 3 fois moins d’animaux que chez nos voisins européens et 50 fois moins qu’au Brésil.
La filière française craint par contre la reprise des négociations commerciales entre l’UE et l’Amérique latine qui pourrait potentiellement entraîner l’importation en Europe de “l’équivalent du quart des filets de volailles consommés aujourd’hui”.
Explosion des importations de bœuf brésilien en Chine
The Guardian, Eating up the rainforest : China’s taste for beef drives exports from Brazil, 16/03/2021
Comme le résument bien les deux hommes d’affaires présentés dans l’article, “Il y a peut-être 20 ans, les habitants des villages et des petites villes ne mangeaient pas beaucoup de viande, mais ceux des grandes villes oui. Aujourd’hui, les habitants des grandes villes sont plus soucieux de leur santé et mangent plus de légumes, mais ceux des petites villes ont plus d’argent. Maintenant, ils mangent vraiment beaucoup plus de viande. Ils pensent qu’être riche signifie manger plus de viande”.
Et cette envolée de la demande chinoise a permis aux ventes de bœuf brésilien d’atteindre des niveaux record. En effet, le Brésil a, selon les calculs du cabinet Safras & Mercado, représenté 43% des importations de viande de la Chine en 2020 et les exportations de bœuf du Brésil vers la Chine ont augmenté de 76% l’an dernier. Et comme le précise Thiago de Carvalho, professeur d’agrobusiness à l’Université de São Paulo, “La viande brésilienne est [parmi] les moins chères du monde”, notamment à cause de la dégringolade de la monnaie brésilienne l’année dernière.
L’article rappelle toutefois que les Chinois consomment moins de viande par habitant que les Américains. Mais, alors que leur viande préférée est le porc, une grande partie du cheptel porcin chinois a été décimé par la peste porcine africaine et les Chinois ont remplacé le porc par le boeuf.
Ce boom a toutefois un coût environnemental élevé car l’Amazonie fournit environ un cinquième des importations de la Chine.
Dark stores Monoprix dédiés à Amazon
Le Monde, « Dark store » : plongée dans un supermarché de l’ombre en plein cœur de Paris, 17/03/2021
Visite d’un magasin Monoprix pas comme les autres. Situé dans le 13e arrondissement de Paris, ce magasin de 1300 mètres carrés n’a ni façade ni vitrine car il se trouve en sous-sol et on n’y trouve aucun client. Ce dernier sert en effet uniquement à préparer des commandes passées en ligne par les clients de son partenaire Amazon. Ce magasin est ce que l’on appelle un “dark store”, il est organisé comme un vrai magasin mais est fermé au public et sert en fait d’entrepôt. Néanmoins, comme le décrit l’article, “ici, nul besoin que les produits soient rangés à hauteur des yeux pour attirer les regards des clients, comme dans un supermarché classique. Ni de mettre en avant ceux en promotion”. Car en fait, comme l’explique Ferdinand Tomarchio, directeur de l’e-commerce alimentaire chez Monoprix, si l’agencement de ce dark store est similaire à un véritable supermarché c’est surtout pour permettre à l’employé de circuler plus vite dans les rayons. Au niveau de l’assortiment, un produit sur six est un produit de marque Monoprix, soit largement plus que dans un supermarché classique.
Ce phénomène des dark stores n’est d’ailleurs pas que franco-français mais il s’est développé un peu partout, poussé en cela par le développement fulgurant du e-commerce alimentaire suite à la pandémie de Covid-19.
Concernant Monoprix, l’enseigne possède deux dark stores dédiés à Amazon dans Paris pour les livraisons à Paris et sa petite couronne. Pour les autres livraisons en Ile-de-France, les préparations se font depuis sept Monoprix disséminés en Ile-de-France. En province, les préparations se font depuis les magasins de Nice, Bordeaux, Lyon et Montpellier.
Amazon développe son activité alimentaire aux US avec Amazon fresh
Bloomberg, Amazon Quietly Began Building a Grocery Chain During Pandemic, 11/03/2021
Aux Etats-Unis, Amazon a commencé à multiplier les ouvertures de magasins Amazon Fresh depuis quelques mois. Le premier magasin a ouvert à Los Angeles en septembre 2020, le 11e a ouvert début mars et Amazon travaillerait sur 28 nouvelles ouvertures cette année, de Philadelphie à la banlieue de Sacramento. Les magasins Fresh ont une surface allant de 2300 à 4200m2 et les 11 premiers magasins sont pour la plupart disséminés dans des zones suburbaines de classe moyenne supérieure. Ils sont installés à la place d’anciens magasins de jouets Toys R’ Us et d’épiceries fermées. Amazon a utilisé des analyses détaillées des habitudes d’achat pour dresser une liste de 15 000 produits à mettre en rayon, un assortiment qui répond aux besoins quotidiens de la plupart des clients. Les marques de distributeurs, dont la gamme Whole Foods 365, occupent une place de choix.
Comme le rappelle l’article, plus de dix ans après avoir commencé à vendre des produits alimentaires, Amazon ne détient qu’une infime partie du marché américain de l’alimentaire, qui représente 900 milliards de dollars. Selon les observateurs du secteur, les magasins Amazon Fresh sont un moyen pour le groupe de se rapprocher encore plus de ses membres Prime et de séduire un large éventail d’Américains, depuis les acheteurs à faible revenu qui fréquentent les discounters comme Walmart jusqu’aux clients plus aisés qui cherchent à récupérer leurs commandes en ligne. Les magasins Amazon Fresh ont un positionnement d’épicerie grand public, avec un assortiment de produits qui se situe quelque part entre les petits spécialistes comme Trader Joe’s et les grands supermarchés.
Rappelons toutefois qu’Amazon avait racheté la chaîne de supermarché Whole Foods Market en 2017 pour 13,7 milliards de dollars. Néanmoins, Whole Foods a eu du mal à se réinventer en tant que destination grand public et les ventes des magasins ont stagné.
Les stratégies omnicanales de la distribution alimentaire
The Economist, The importance of “omnichannel” strategies, 13/03/2021
Un article sur les stratégies omnicanales, qui associent les stratégies physiques et numériques, des principaux distributeurs américains et chinois.
Tout d’abord, l’article s’intéresse à Walmart. Et l’accent mis sur l’omnicanal suggère que le groupe n’a pas forcément l’intention de donner la priorité au e-commerce sur son réseau de 4 000 magasins en Amérique. Le groupe considère au contraire que les deux font partie du même écosystème centré sur le client. L’article précise que, suite à la crise sanitaire liée au Covid-19, Walmart a rapidement développé des services pour faciliter l’expérience en ligne et hors ligne, tels que le retrait en magasin, le drive et la livraison depuis ses magasins. Le groupe a également lancé Walmart +, un service d’abonnement similaire à Amazon Prime qui offre aux membres une livraison express, des réductions sur l’essence et d’autres avantages. De son côté, comme nous l’avons vu dans l’article précédent, Amazon multiplie les ouvertures de magasins Amazon Fresh.
Le même phénomène est observé en Chine ou les grandes plateformes telles qu’Alibaba (avec Freshippo) et JD.com, sont en train de construire de vastes chaînes de supermarchés. Comme l’explique Leigh Hopkins, responsable de la stratégie internationale de Walmart, “en Chine, les actifs hors ligne connaissent un regain d’intérêt”.
Mais finalement, comme le dit bien l’article, la principale question est de savoir si ces stratégies omnicanales peuvent être rentables. Il est, en effet communément admis que peu de détaillants, même Amazon, peuvent gagner de l’argent en vendant des produits alimentaires en ligne, en raison du coût élevé de la livraison. Selon les analystes, dans un secteur tel que le commerce de détail alimentaire, dont les marges ne dépassaient pas 2 à 4% avant le passage à la vente en ligne, seules les entreprises les mieux capitalisées et les plus efficaces sont assurées de survivre à l’assaut de la vente en ligne. Selon le cabinet Bain, à moins que les distributeurs ne commencent à facturer davantage les services en ligne, les pertes d’exploitation liées à l’envoi de marchandises depuis les magasins ou les entrepôts pourraient se situer entre 5 et 15%.
Bordeaux à 1€69
Capital, Lidl suscite la polémique avec sa bouteille de Bordeaux à 1,69 euro, 12/03/2021
Pour sa foire aux vins du printemps, Lidl propose une bouteille de vin de Bordeaux AOP à 1,69 euro la bouteille. Ce prix cassé fait évidemment grincer des dents dans la filière. Selon Cédric Roureau, président du Syndicat des Courtiers de Vins et Spiritueux de Bordeaux, de la Gironde et du Sud-Ouest, “Pour sortir à 1,69 euro, l’achat de vin a dû se faire à un niveau extrêmement bas. Ce qui ne rend service à personne d’avoir des Bordeaux à ce prix”. L’enseigne se défend en arguant que ce prix a été obtenu grâce à “l’achat de volumes conséquents, plusieurs centaines de milliers de cols pour la France et d’autres marchés”.