Eat’s Business #3
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur la nouvelle gamme de glaces pour chien de Ben et Jerry’s, sur la polémique du palmarès du Guide Michelin 2021 ainsi que sur l’initiative des nouilles élaborées à partir des drêches de brasserie.
Dans cet épisode, sont aussi évoqués, la fermeture des restaurants et les initiatives de vente à emporter, le succès de Grand Frais, Intermarché qui change ses recettes pour être mieux noté sur Nutriscore et Yuka, la diminution des investissements dans la filière viande et la consommation d’insectes dans l’Union Européenne.
Restaurants fermés tout l’hiver
Le Point, Les restaurants devraient rester fermés jusqu’à Pâques, 20/01/2021
On commence cette newsletter par une mauvaise nouvelle pour tout le monde. D’après les informations du Point, restaurants, bistrots et brasseries devraient rester fermés au moins jusqu’à Pâques. L’hypothèse de réouverture la plus optimiste serait fixée à la date du mardi 6 avril.
Une pensée pour tous les restaurateurs, patrons de bars, serveurs, apprentis mais également pour les agriculteurs qui les fournissent. Qu’est ce que cette attente va être longue…
Initiatives des restaurateurs pendant la crise
Le Parisien, Vente à emporter, traiteur… comment le Covid-19 a obligé les restaurateurs à se réinventer, 17/01/2021
Fermés depuis bientôt 3 mois et sans perspective de réouverture prochaine, de nombreux restaurateurs n’ont pas baissé les bras pour autant et font preuve d’inventivité pour continuer d’avoir un peu d’activité, mais surtout pour maintenir le lien avec leurs clients. Selon Food Service Vision, environ un tiers des restaurateurs ont choisi de continuer à travailler.
L’article nous présente quelques idées. A Dardilly un restaurateur a aménagé sa véranda en cave à vin. Une brasserie parisienne a mis en place de nouveaux menus vendus en boîte, avec des dates de péremption plus longues. Dans le centre de Lyon, des cuistots se relaient au sein de La Caravane des chefs, un food-truck commun qui leur permet de se faire connaître. Toujours à Lyon, le chef Joseph Viola, a transformé dès le mois d’avril ses restaurants en épicerie.
Et comme le précise l’article, “pour ces « résistants », le bon usage de la communication et des réseaux sociaux est déterminant”.
Le défi de la vente à emporter face aux déchets plastiques
Wall Street Journal, Take the Guilt Out of Takeout, 14/01/2021
Comme partout dans le monde, le marché de la restauration livrée à domicile a explosé aux Etats-Unis en 2020. Il est passé de 31 milliards de $ en 2019 à 44 milliards en 2020 (+42%) et les prévisions tablent sur 77 milliards de $ en 2024. Le Wall Street Journal propose un focus sur une initiative intéressante, qui est en phase avec la sensibilisation croissante des consommateurs au problème des déchets, en particulier des plastiques.
Fin 2019, Adam Farbiarz et deux partenaires ont, en effet, lancé DeliverZero, une plateforme en ligne qui permet aux clients de commander auprès de restaurants qui proposent des conteneurs réutilisables, puis de les rendre au livreur lors de leur prochaine commande. Le réseau a commencé avec seulement cinq restaurants, tous situés dans le quartier de Brooklyn. Un an plus tard, l’entreprise comptait 120 restaurants dans tout New York. Ce modèle attire l’attention jusqu’en Europe et DeliverZero a déjà concédé sa technologie sous licence à une startup d’Amsterdam.
Au Canada, la startup Suppli s’intègre aux principales plateformes en ligne. Par exemple, les clients commandent via le site web d’un restaurant ou Uber Eats et paient une redevance de 99 cents pour les conteneurs en acier inoxydable de Suppli. Après utilisation, ils demandent un ramassage ou un retour des conteneurs sur un site de dépôt pour les nettoyer et les rendre aux restaurants. Suppli travaille actuellement avec cinq restaurants, et la fondatrice prévoit de s’étendre dans toute la ville d’ici trois ans. Toutefois, l’idée d’emballages réutilisables pour les restaurants n’est pas nouvelle. À Mumbai, les dabbawalas, qui pourrait se traduire par “celui qui porte une boîte”, livrent des repas chauds et récupèrent les récipients depuis la fin du 19e siècle.
L’étrange palmarès du Guide Michelin 2021
Le Figaro, L’étrange palmarès du Michelin 2021, 18/01/2021
Le palmarès du guide Michelin a été dévoilé ce lundi et Le Figaro le juge, à juste titre, sévère. Il mentionne d’ailleurs ironiquement l’exploit du guide qui, alors que les restaurants n’ont été ouverts que six mois au mieux en 2020, indique que ses inspecteurs ont réussi à « faire autant de repas qu’en 2019 ».
Si le guide rouge a couronné Alexandre Mazzia d’une troisième étoile et a distingué deux nouveaux 2-étoiles, il a également rétrogradé un certains nombre de restaurants ce qui, en période de crise sanitaire et alors que les restaurants sont tous fermés depuis fin octobre, n’est évidemment pas très élégant.
Mais surtout, l’article s’interroge ouvertement sur “la différence de traitements”. Ainsi, les rétrogradations n’ont visé que des restaurants 1-étoile, ce qui laisse à penser qu’il “ne fallait pas chagriner les influents maréchaux de la « France gastronomique combative »”.
En complément de cet article, on peut ajouter également, et comme Stéphane Méjanès le faisait remarquer sur Twitter, que ce cru 2021 ne compte que 5 cheffes (1×2*, 4×1* dont 2 la partageant avec un homme). Bref, dans ce domaine aussi le guide a encore du boulot.
Le succès de Grand Frais
Capital, Grand Frais, le géant qui se fait passer pour le petit épicier du coin, Janvier 2021
Dans son numéro du mois de janvier, le magazine Capital, consacre un long article à Grand Frais, l’enseigne spécialiste des produits frais dont les origines remontent à 1992.
Avec 250 magasins à fin 2020, un chiffre d’affaires d’environ 2,5 milliards d’euros et une croissance de 15% par an depuis 5 ans, le groupe attire les convoitises (nous en parlions d’ailleurs la semaine dernière). D’après Kantar, Grand Frais est “de loin, l’enseigne préférée des Français”.
Et comme le rappelle son président, l’enseigne ne manque pas d’ambition et compte ouvrir 23 magasins en 2021, voire même plus si elle arrive à mettre la main sur des emplacements “d’enseignes laminées par la crise”.
La force de Grand Frais repose, selon l’article, sur plusieurs facteurs : le “désamour envers les grands distributeurs”, le foisonnement de l’offre (350 références en fruits et légumes, soit le double d’un hypermarché moyen), la qualité des produits ou encore la fraîcheur (la plupart des produits sont cueillis ou pêchés la veille). L’enseigne s’est également lancée dans le e-commerce avec le site mon-marche.fr, qui propose la livraison en 1h jusqu’à 22h 7j/7 dans quelques arrondissements parisiens.
Intermarché : des recettes modifiées pour de meilleurs notes sur Nutriscore et Yuka
Business Insider, Intermarché a modifié la recette de 900 produits pour avoir de meilleurs résultats au Nutri-Score et sur Yuka, 18/01/2021
En septembre 2019, Intermarché avait annoncé vouloir modifier 900 recettes de ses produits commercialisés en marque de distributeur. L’objectif affiché à l’époque était d’améliorer la composition de ses recettes et de bannir 140 additifs controversés. Mais l’objectif sous-jacent était en fait d’optimiser le Nutri-Score de ses produits pour obtenir des notes A, B ou C et d’améliorer la note de ses produits sur Yuka afin d’obtenir un résultat supérieur ou égal à 50.
Le distributeur a fait le point cette semaine et affirme dans un communiqué de presse que “plus de 900 recettes ont déjà été reformulées permettant d’optimiser significativement la qualité nutritionnelle et la composition des produits concernés”.
Intermarché s’est donné comme prochain objectif de supprimer le nitrite de sodium et le carbonate de sodium de tous ses produits MDD d’ici 2025. Le groupe souhaite également améliorer 1 000 recettes de produits supplémentaires en 2021 et plus de 6 500 d’ici 2025.
Glace pour chien
Le Monde, Une glace pour chien signée Ben & Jerry’s, 13/01/2021
La marque de glace bien connue a annoncé le 11 janvier dernier qu’elle allait lancer une gamme de crèmes glacées à destination des chiens. Si l’annonce peut faire sourire, cela traduit également l’attrait croissant des multinationales pour la petfood et Ben & Jerry’s est, rappelons le, une filiale d’Unilever.
Le marché petfood est un marché très lucratif qui pèse environ 75 milliards d’euros selon Euromonitor. Et on ne le sait pas forcément, mais il est dominé par deux acteurs bien connus de l’agroalimentaire, à savoir le suisse Nestlé, qui possède notamment la marque Purina et de l’américain Mars, qui possède les marques Royal Canin et Pedigree.
Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 et les périodes de confinement qui ont émaillé l’année 2020 ont poussé de nombreux ménages à prendre un animal de compagnie. Résultat : selon Nestlé, sur les neuf premiers mois de 2020, les croquettes pour chien et chat ont été le segment le plus dynamique de son portefeuille.
D’autant que le phénomène d’« humanisation de l’animal », qui consiste à projeter son comportement alimentaire sur son chat ou son chien, a entraîné le succès des produits bio sans allergènes ou des produits de snacking.
Nouilles en drêches de brasseurs recyclées
Les Echos, Seine-Saint-Denis : des nouilles écoresponsables produites avec les déchets des brasseurs de bière, 14/01/2021
Focus sur une initiative intéressante : Ramen tes drèches, une entreprise spécialisée dans ce que l’on pourrait appeler l’upcycling alimentaire. L’entreprise produit en effet des nouilles à partir des drêches de brasseries. Dans les faits, l’entreprise récupère 2,5 tonnes de restes d’orge et de malt auprès de brasseries artisanales parisiennes tous les mois qu’elle transforme en farine pour ensuite en faire des nouilles.
Comme l’explique la fondatrice Sabrina Michée, habituellement « les drêches, lorsqu’elles sont valorisées, sont transportées vers des usines de méthanisation ou destinées à l’alimentation du bétail… Des sites souvent éloignés des villes ». L’entreprise a déjà recruté trois salariés et a vu ses points de ventes (épiceries fines, spécialisées et magasins bio principalement) passer de 4 en 2018 à plus de 80 aujourd’hui en Ile-de-France.
Filière viande de moins en moins attractive
Financial Times, Big Meat: facing up to the demands for sustainability, 17/01/2021
Alors que les effets du réchauffement climatique s’accentuent, les militants et les investisseurs mettent la pression sur les grands acteurs de l’industrie de la viande, qui pèse pas moins de 1 400 milliards de dollars par an. Mais comme l’explique un gestionnaire d’actifs, “l’évaluation des entreprises du secteur est réduite en raison du fait que la viande est une source de dommages environnementaux et qu’elle est fortement touchée par le changement climatique”.
Comme l’explique l’article, si l’homme mange des animaux depuis des milliers d’années, en moins de deux décennies, le spectre des dommages environnementaux a braqué les projecteurs sur une industrie au sein de laquelle les participants étaient mal préparés à ces attaques. Cette focalisation sur l’impact environnemental de l’industrie de l’élevage a véritablement commencé en 2006, avec la publication d’un rapport de la FAO, qui avait estimé que les émissions de GES produites par l’industrie de la viande étaient plus importantes que celles de l’ensemble du secteur des transports (pour se raviser par la suite face aux critiques sur le mode de calcul utilisé).
Et, comme l’affirme l’article, à l’heure où de nombreux gouvernements s’engagent à réduire leurs émissions à zéro d’ici 2050 et où les États-Unis sont sur le point de rejoindre l’accord de Paris sur le climat, la pression ne fera qu’augmenter, selon les experts environnementaux. Or le problème est que la plupart des plus grandes entreprises de viande ont été lentes à réagir. Selon l’enquête annuelle de Fairr sur les 60 plus grandes entreprises de protéines cotées en bourse, 3 sur 4 n’ont pas déclaré ou mis en place des objectifs de réduction fixés selon les directives scientifiques pour les émissions. Pire, plus d’un tiers d’entre elles ont déclaré avoir augmenté leurs émissions. Toutefois, l’enquête montre des signes positifs, avec quelques grandes entreprises du secteur qui s’attaquent désormais aux risques climatiques.
Des insectes dans les assiettes de l’UE
Financial Times, Insects creep towards EU plates as mealworms deemed safe to eat, 13/01/2021
Bien qu’environ 2 milliards de personnes dans plus de 130 pays mangent déjà des insectes, selon l’ONU, ceux-ci ne sont que très peu consommés en Occident. Mais la situation pourrait peut être évoluer. L’Agence européenne de sécurité des aliments vient, en effet, de juger que le ver de farine jaune était sans danger pour la consommation humaine.
Si les larves d’insectes sont déjà utilisées en Europe dans l’alimentation animale, cette décision pourrait bien stimuler les investissements dans la production d’insectes à destination de l’alimentation humaine. Selon les analystes, l’annonce de l’EFSA stimulera la création de nouvelles entreprises dans le secteur des insectes, comme Ynsect en France, Protix aux Pays-Bas et AgriProtein en Afrique du Sud, et incitera de nouvelles entreprises à se lancer sur ce marché ainsi que de nouveaux investissements. Les analystes de Barclays ont estimé que le marché des protéines d’insectes pourrait représenter environ 8 milliards de dollars dans le monde d’ici 2030, contre moins d’un milliard de dollars aujourd’hui.
Comme l’explique Mario Mazzocchi, professeur à l’université de Bologne, “il y a des avantages environnementaux et économiques évidents si vous remplacez les sources traditionnelles de protéines animales par celles qui nécessitent moins d’aliments, produisent moins de déchets et entraînent moins d’émissions de gaz à effet de serre”. Reste évidemment l’enjeu de l’acceptabilité des consommateurs.