Eat’s Business #22
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur la composition des cartes de restaurants pas 100% françaises avec le chef Victor Mercier de FIEF, sur l’annonce d’AXA qui va indemniser 15 000 restaurateurs suite aux déconvenues de la crise sanitaire et sur le fruit exotique durian, sujet à discordes.
Dans cet épisode, sont aussi évoqués la consommation d’avocats aux Etats-Unis toujours à la hausse, le succès du Spritz et un tour d’horizon des plateformes de livraison rapide à domicile.
Pourquoi ne mange-t-on pas Français au restaurant ?
Le Figaro, Pourquoi les restaurateurs ne jouent pas toujours la carte du 100% français, 01/06/2021
On répète souvent aux consommateurs français de privilégier le made in France, mais force est de constater que les origines des viandes affichées dans les restaurants sont plus souvent irlandaises ou allemandes que françaises. Ce constat a d’ailleurs été mis en avant par Emmanuel Macron le 18 mai dernier lorsqu’il affirmait que “les tables françaises de la restauration servent à plus de 60% de la viande qui n’est pas française”.
Les premiers fautifs selon l’article seraient les grossistes, et en premier lieu Metro, car ‘“les restaurateurs sont orientés par les propositions des fournisseurs et grossistes”. L’article précise toutefois que Metro “s’est engagé depuis 2020 dans une démarche de valorisation des produits hexagonaux”.
Autre difficulté : la saisonnalité des productions. Ainsi, les tomates et les salades proposées sont à 90% françaises entre avril et octobre et l’offre de fruits et légumes est en général française à 60%. Pour Laurent Frechet, président de la branche restauration au GNI, afin de limiter les coûts des produits français “il suffit de travailler avec des produits de saison et pour cela il ne faut pas démarrer trop tôt”. Il explique ainsi que “les asperges, au début de saison sont à 35 euros le kilo, mais elles tombent à 7 ou 8 euros une fois la saison lancée”. Par conséquent “si on a une carte adaptée, cela ne coûte pas plus cher”.
Michael Gautier patron du restaurant «Les Françaises» à Paris, et qui travaille à 100% en viandes françaises, propose de son côté la création d’« un label qui dit qu’on a une certaine part de produits français dans nos assiettes ». Toujours selon lui, il y a le problème des appellations. Ainsi, “entre une planche de Pata Negra et un porc noir de Bigorre, les gens vont choisir le premier”.
Du côté de la restauration collective, il y a une contrainte budgétaire qui “oriente fortement la recherche des produits”. L’article précise également que “pour les clients publics, il n’est pas autorisé de choisir explicitement un produit du fait de son origine géographique, en raison des règles de concurrence élaborées au niveau européen”.
AXA vs Les restaurateurs
Le Monde, Axa France va débloquer une enveloppe de 300 millions d’euros pour 15 000 restaurateurs, 10/06/2021
Pendant le premier confinement, nous avions suivi de près les échanges entre restaurateurs et assureurs. On rappelle que les assureurs, notamment AXA, disaient ne pas pouvoir indemniser les restaurateurs pendant la fermeture. Le chef de l’Ami Jean, Stéphane Jégo, avait beaucoup fait parlé de lui avec sa pétition, adressée directement à Bruno Le Maire, ministre de l’économie. Dans cette dernière, il militait pour que l’état de catastrophe naturelle sanitaire soit déclaré par les assurances. Malheureusement, son amendement a été rapidement débouté devant l’Assemblée Nationale.
On avait aussi vu et entendu le restaurateur Stéphane Manigold se défendre contre AXA. Il a mené un véritable travail d’enquête pour démontrer que les assurances avaient les moyens d’indemniser les restaurants et qu’elles étaient même contraintes et obligées, selon une clause du contrat. Le tribunal de Paris a fini par lui donner raison. Cette décision a eu un retentissement international. Elle a été reprise par le New York Times, mais aussi en Espagne et Angleterre, jusqu’en Afrique du Sud.
Finalement, AXA est revenu sur ses positions. L’assureur vient d’annoncer qu’il débloque 300 millions d’euros pour 15 000 de ses clients restaurateurs, pour éponger les dettes et les pertes dues à la crise sanitaire, soit environ 20 000 euros par restaurateur. Le directeur général d’AXA a déclaré sur Europe 1 : “Il est important de mettre derrière nous ces difficultés, le flou judiciaire qu’on a vécu dans le dossier des restaurateurs.”
Le groupe AXA enregistre au total 1 500 procédures judiciaires du même acabit. De plus, les 300 millions débloqués ne sont pas une indemnisation, mais une transaction. Si les clients acceptent l’argent, ils devront aussi renoncer à toutes actions en justice contre l’assureur. Les premiers paiements vont arriver rapidement, dès le mois de juin et s’échelonner jusqu’au mois de septembre.
La surenchère des start-up de livraison rapide
LSA, Embouteillage dans la livraison à domicile express (23 acteurs à la loupe), 03/06/2021
Un article de LSA qui fait le point sur le maquis des acteurs du Q-commerce et de la livraison de courses à domicile.
L’article rappelle un chiffre : en 2020, les courses alimentaires livrées à domicile ont bondi de 45 %. Mais, rapporté au global, la livraison à domicile ne représentait, en février 2021, que 0,5 % des achats alimentaires.
Et comme l’explique Matthieu Vincent de DigitalFoodLab, « la rapidité de déploiement de ces start-up est étonnante. On remarque, en outre, qu’elles attirent dès leur création des investisseurs étrangers, ce qui est plutôt rare ». En moins d’un an d’existence Gorillas est ainsi devenue une licorne.
LSA segmente les business models des entreprises de livraison de courses en plusieurs types :
- Celles reposant sur des “dark stores” comme Gorillas, Cajoo, Flink, Dija, Weezy et Getir
- Celles qui ont un assortiment plus vaste et proposent des temps de livraison supérieurs aux 10 minutes promises par la plupart des entreprises de la catégorie précédente. C’est le cas de Picnic, La Belle Vie ou encore mon-marché.fr.
- Celles qui proposent de la livraison collaborative, à l’instar de Everli.
- Celles qui sont des prestataires de livraison, par exemple pour la grande distribution, comme Deliveroo, Uber Eats et Frichti.
L’avocat a encore des beaux jours devant lui
Food Navigator, Avocado consumption climbs with plenty of headroom for growth ahead, says Rabobank, 01/06/2021
Un article déniché par Céline Laisney.
Selon un rapport de Rabobank, la consommation d’avocats aux États-Unis a atteint des record en début d’année grâce à la reprise de l’économie ainsi qu’une perception toujours positive de l’avocat en tant que super aliment à la mode. Ainsi, les expéditions mensuelles d’avocats sur le marché américain en janvier 2021, ont enregistré une croissance en volume de 33 % par rapport à janvier 2020.
La consommation d’avocats par habitant a augmenté à un taux de croissance annuel moyen de 8 % au cours de la dernière décennie. En 2010, la consommation d’avocats par habitant aux États-Unis était d’environ 4 livres, en 2018 elle était proche de 8,5 livres et Rabobank estime que ce chiffre pourrait dépasser 11 livres par personne d’ici 2026.
Pour ceux qui veulent aller plus loin sur l’avocat, je vous invite à lire cet article que nous avons co-écrit avec Céline Laisney dans l’édition 2021 du Déméter.
Le durian : un fruit polémique
Financial Times, The durian fruit, redeemed, 02/06/2021
Un article qui s’intéresse à fruit que l’on ne trouve quasiment qu’en Asie et qui a une assez mauvaise réputation dans les pays occidentaux : le durian.
Il s’agit d’un gros fruit vert, en forme de ballon de rugby et qui est originaire de Malaisie, d’Indonésie et de Brunei. Le durian est également cultivé en Thaïlande ou au Vietnam. Surnommé le “roi des fruits”, il peut peser jusqu’à 4 kg et est couvert de pointes (“duri” signifie épine en malais).
Ce fruit a une saveur complexe. Au 19è siècle, l’explorateur britannique Alfred Russell Wallace affirmait qu’il s’agissait du fruit parfait pour la “douceur gluante” de sa pulpe, qui ressemble à “une crème riche, semblable à du beurre, fortement aromatisée aux amandes [et entremêlée d’odeurs de] crème au fromage, de sauce aux oignons, de sherry brun et d’autres incongruités”.
Mais ce qui fait le plus débat à propos du durian est son odeur. D’ailleurs l’article précise que “la façon dont le fruit et son arôme sont présentés en Occident est devenue un sujet de discorde majeur”. Un article paru dans le New York Times en 2020 va même jusqu’à affirmer qu’il “pue la mort”. A tel point que de nombreux asiatiques y voient tout simplement du racisme. Pour l’écrivaine gastronomique Anna Sulan Masing, “vous pouvez écrire que le durian n’est pas une saveur que vous aimez, comme vous pourriez le faire pour le roquefort. Et parler de la complexité de sa saveur. Mais c’est rarement fait comme ça. C’est plus souvent une excuse pour écrire des choses subtilement racistes”. Elle précise d’ailleurs que c’est une des raisons pour lesquelles la diaspora d’Asie du Sud-Est s’accroche au durian car “il y a un sentiment de réappropriation”.
Le Spritz : un cocktail plébiscité
L’Opinion, « La guerre du Spritz aura-t-elle lieu ? », 04/06/2021
Un article consacré à cet apéritif italien orange, que l’on trouve désormais dans tous les bars dignes de ce nom (et à des prix parfois exhorbitants).
Tout commence au début des années 2000 lorsque l’entreprise Campari fait l’acquisition de Barbero, qui possède entre autres la marque Aperol. Comme l’explique Sébastien Abis, pour Campari, l’objectif est aussi et surtout de promouvoir un cocktail mixant ses liqueurs avec de l’eau gazeuse et du vin effervescent.
Et pour accroître la notoriété du Spritz, Campari va mettre les moyens avec “opérations de séduction innovantes sur les places des grandes villes italiennes” ou “publicités spectaculaires à grand renfort de stars internationales du cinéma” mais également “création de festivals de musique de très haut niveau entièrement labellisés”. Et même s’il existe plusieurs variantes du Spritz (Campari Spritz, Select Spritz ou Aperol Spritz), c’est l’Aperol Spritz qui est la locomotive car il a un goût plus léger et est donc plus accessible.
Et dans le Spritz, l’Aperol est désormais indissociable du prosecco (dont nous parlions il y a quelques semaines). Comme l’explique Sébastien Abis, le prosecco était, jusqu’au succès du Spritz, “méconnu en dehors des milieux professionnels et de sa zone géographique en Vénétie”. Désormais il fait même de l’ombre au champagne. D’ailleurs, en réponse, LVMH vient de lancer Chandon Garden Spritz.