Eat’s Business #45
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur les actualités food de la semaine. Aujourd’hui on parle des effets de la guerre en ukraine sur l’industrie agroalimentaire, d’agriculture urbaine et de la surpêche en France
On parle également du super food “le kaya”, et de criminalité liée au vin.On parle également du super food “le kaya”, et de la criminalité qui augmente dans le monde du vin.
Le Parisien, Guerre en Ukraine : le conflit va faire grimper les prix des matières premières agricoles, 26/02/2022
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les cours des matières premières agricoles s’envolent. Le prix du blé meunier a par exemple atteint son niveau record sur le marché européen, avec un pic à 344 euros la tonne sur Euronext. Comme le met en perspective Sébastien Abis, chercheur à l’Iris, en affirmant qu’« on était à 120 euros la tonne au début du Covid ».
Sébastien Poncelet du cabinet Agritel explique quant à lui que « L’Ukraine est une région agricole historique (…) Elle est le sixième pays producteur de blé au monde, la Russie est le premier pays exportateur (et troisième pays producteur derrière la Chine et l’Inde). Les deux ensembles représentent un tiers du commerce mondial de blé”. Par conséquent, comme les ports ukrainiens sont fermés et qu’aucun armateur n’envoie de bateau sur la Mer Noire actuellement, les acheteurs de blé vivent sur leur stock. Par ailleurs, comme le blé ukrainien est semé à l’automne, il doit être récolté en juillet et donc “si la moisson ne peut pas se faire, les pays acheteurs seraient face à un autre problème”.
Autre produit agricole concerné par ce conflit : l’huile. En effet, comme l’explique Sébastien Poncelet “à cause des faibles récoltes de colza et de palme, le marché des huiles était déjà en surtension. Or l’Ukraine est le premier pays producteur et le premier exportateur d’huile de tournesol du monde. Elle compte pour la moitié de l’huile de tournesol mondiale”. Le prix de l’huile risque donc d’augmenter dans les prochains mois.
Parmi les filières agricoles qui vont souffrir il y a l’élevage, et en particulier la filière porcine. En effet, comme le précise Thierry Pouch, des chambres d’agriculture de Paris, “50 à 70 % des tourteaux de tournesol que mange notre bétail viennent d’Ukraine”.
Les Échos, Guerre en Ukraine : l’industrie agroalimentaire française retient son souffle, 25/02/2022
Plusieurs entreprises agroalimentaires françaises ont des intérêts en Ukraine et en Russie et pourraient subir les conséquences de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’industrie laitière, les céréales et les semences sont les plus exposés aux conséquences de cette guerre
En Ukraine, on dénombre une quinzaine d’entreprises agroalimentaires et agricoles françaises, dont Soufflet, Louis Dreyfus et Malteurop dans les domaines de la production, du négoce et de la transformation des céréales.
Dans le lait, Danone, Lactalis et Savencia ont des usines en Russie et en Ukraine. Lactalis déclare un chiffre d’affaires de 100 millions en Ukraine, où il exploite trois sites de production pour la consommation nationale et un chiffre d’affaires de 175 millions d’euros en Russie où il possède quatre usines fromagères. Danone, qui contrôle le leader russe Unimilk depuis plus de dix ans, réalise 5 % de son chiffre d’affaires mondial en Russie et y possède une dizaine d’usines.
Dans le secteur des semences végétales, les coopératives Limagrain, Maïsadour et Euralis ont des unités de production sur place.
Le Figaro, Agriculture: les fermes verticales prennent de la hauteur en France, 25/02/2022 + Le Figaro, Agriculture: radis, courgettes et tomates s’épanouissent au cœur des villes, 25/02/2022
Deux articles consacrés à l’essor de l’agriculture urbaine en France.
A ce jour, l’Association française d’agriculture urbaine (AFAUP) regroupe plus de 110 structures d’agriculture urbaine, qui représentent 1 150 emplois. Toutefois, comme le précise Anne-Cécile Daniel, coordinatrice nationale de l’AFAUP, les fermes urbaines occupent en fait plus de monde que cela car toutes n’ont pas vocation à être des entreprises rentables. Ainsi, “elles ont des formes juridiques variées”. On trouve des associations, des SAS et quelques entreprises agricoles.
Le premier article cite plusieurs exemples, notamment l’association Toits vivants et Topager à Paris, Au Potager de la cantine à Nantes ou encore le Potager des ducs à Dijon.
Le second article s’intéresse à une agriculture indoor plus technologique. On y découvre par exemple un projet développé par le groupe LSDH afin de relocaliser de la production de salades en France toute l’année. Le groupe a investi près de 10 millions d’euros, via sa filiale Les Crudettes, dans une serre de 7 000 m2. Celle-ci fonctionnera grâce à un système d’aéroponie mobile automatisée qui permettra de réaliser 97 % d’économie d’eau. La construction a débuté fin janvier 2022 et à partir de l’été prochain elle produira des salades, mais aussi à terme, 70 tonnes d’herbes aromatiques par an (aneth, basilic…).
L’article mentionne également le projet de Jungle, en 2016, qui a levé 42 millions d’euros en 2021 pour construire deux nouvelles fermes verticales en France. L’entreprise vise 10 millions de plantes et salades produites en hydroponie.
Toutefois, l’article met en avant le fait que le prix de revient d’une salade cultivée indoor reste encore souvent supérieur à celui d’une salade cultivée en plein champ. Il est par exemple de 15 % à 20 % supérieur chez LSDH et de 5 % chez Jungle.
Par ailleurs, plusieurs projets ont été perturbé par la crise sanitaire, car “la pandémie les a privés de débouchés hors du domicile”.
Le Parisien, Quotas, surpêche… les raisons d’être optimistes pour nos poissons, 23/02/2022
Voilà quelques bonnes nouvelles concernant la filière pêche française.
D’après le bilan réalisé par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), sur les 350 espèces de poissons, coquillages et crustacés pêchés par les bateaux de pêche français, 56 % des volumes étaient issus de populations exploitées durablement en 2021, contre seulement 15 % il y a 20 ans. De plus, la part des espèces en bon état de conservation (qui ne risquent pas à court terme de disparaître) est passée de 9 % en l’an 2000 à 52 % aujourd’hui.
Un poisson est emblématique de ces progrès : le thon rouge de Méditerranée. Alors qu’il était surpêché pendant des décennies, sa population est actuellement en état de reconstitution.
Toutefois, certaines espèces restent encore surpêchées. Selon l’Ifremer, cela concerne 11 % des populations de poissons. 10 % des populations de poissons sont même considérées comme « effondrées », comme par exemple le merlu de Méditerranée et le cabillaud pêché en mer du Nord et en Mer Celtique.
Les consommateurs ont donc un rôle à jouer et l’association Bloom conseille par exemple de diversifier son assiette et d’opter pour des espèces comme le merlu (du golfe de Gascogne ou de la mer du Nord), le tacaud, le merlan bleu, l’anchois ou la sardine. Ce sont, selon elle, des poissons « très peu valorisés mais pourtant très bons gustativement ». L’ONG suggère également de lire les étiquettes et de privilégier les engins de pêche dits “dormants” dans lesquels les poissons viennent eux-mêmes se piéger (hameçons, casiers etc.) plutôt que ceux dits “traînants”.
Financial Times, Kaya, the super ingredient of 2022 , 18/02/2022
Focus sur la kaya, la confiture malaisienne à base de noix de coco, d’œufs et de caramel qui est, selon le Financial Times, “est en passe de devenir la sensation gustative de l’année”.
Elle est née au sein de la communauté hainanaise de la péninsule malaise, qui a modifié les confitures traditionnelles à base de noix de coco que l’on trouve ailleurs en Asie. Dans les cafés traditionnels hainanais (kopitiams), que l’on trouve encore un peu partout à Singapour et en Malaisie, elle est étalée sur des toasts de pain de mie beurrés puis trempés dans des œufs “brouillés” à peine cuits et enfin arrosés de soja et de poivre blanc. Désormais, toute une nouvelle vague d’artisans l’introduit dans le reste du monde, où elle est considérée comme le nouveau caramel salé et adoptée par les boulangers et les chefs dans les produits de boulangerie, les glaces et les plats salés.
La marque anglaise Madam Chang’s cherche également à faire connaître la kaya et met en avant sa polyvalence en proposant une gamme plus large de variétés, notamment la Rum Kaya, composée de rhum de coco grillé et de gula melaka (sucre de palme issu de la fleur de coco). D’après l’article, la kaya s’accorde également très bien avec du fromage, en particulier les fromages bleus plus salés, les graisses du lait du fromage coupant la douceur du kaya, et la saumure du fromage l’équilibrant.
The Guardian, Wine crime is soaring but a new generation of tech savvy detectives is on the case, 27/02/2022
Un article très intéressant sur la fraude dans le monde viticole.
Il explique que depuis des siècles, les escrocs et les voleurs sont attirés par le monde très lucratif de la criminalité viticole. Mais que désormais une nouvelle génération de détectives férus de technologie les combattent.
C’est le cas par exemple de Philip Moulin, qui est responsable de la qualité et de l’authentification chez Berry Bros, un négociant en vins londonien qui a pignon sur rue depuis 1698. Philip Moulin s’intéresse au vin depuis son enfance et a parfois été qualifié de “détective du vin”. Berry Bros est le premier négociant britannique à employer un authentificateur, reconnaissant ainsi que sa réputation repose sur la confiance et que les vins frauduleux constituent un problème sérieux dans le commerce.
Comme l’explique Philip Moulin, il existe des dizaines de façons de vérifier l’authenticité d’un vin sans le goûter. Cela va du poids de la bouteille au niveau du vin qu’elle contient, en passant par les filigranes, le papier au tissage unique, l’encre à l’ADN spécial, les micropuces dans la bouteille.
L’une des problématiques mise en avant concernant la criminalité dans le monde du vin : c’est une faible priorité pour la police. Or, comme le vin est devenu plus précieux, la criminalité liée au vin est en hausse. En effet, le vin a tendance à être moins bien gardé que les bijoux, mais il peut être une cible tout aussi tentante. Ainsi, en octobre dernier, une bouteille d’Yquem d’une valeur de 295 000 £ faisait partie des 45 bouteilles volées dans un complexe touristique en Espagne. En 2019, des voleurs ont percé un trou dans une cave située sous un restaurant parisien et se sont emparés de 600 000 € de vin.
Aujourd’hui, on estime qu’un quart des vins vendus dans le monde ne sont pas conformes à leur description. Cela couvre tout un éventail d’altérations de la bouteille et du liquide, depuis le mauvais étiquetage, le mauvais mélange et la fausse certification jusqu’à la contrefaçon. Ainsi, “bien que le vin soit souvent comparé à l’art, une peinture est soit de la main de l’artiste, soit elle ne l’est pas. Mais des bouteilles de vin de 1 000 € peuvent passer pour des bouteilles de 10 000 € lors de ventes aux enchères”. De plus, “contrairement à l’authentification d’un tableau, l’art de tester un vin consiste le plus souvent à l’ouvrir, ce qui lui enlève une grande partie de sa valeur. Il existe des moyens de tester le vin depuis l’extérieur de la bouteille, mais ils sont coûteux et complexes”.
Une affaire a changé beaucoup de choses par rapport à la prise en compte du problème de la fraude. Rudy Kurniawan, un énigmatique Indonésien est apparu sur le marché américain du vin haut de gamme au début des années 2000 avec un stock apparemment inépuisable de vins rares. En 2009, il a été poursuivi par Bill Koch, le collectionneur milliardaire. Koch était l’un des rares collectionneurs suffisamment riches et engagés pour risquer de dévaluer sa propre collection afin de révéler les arnaques à l’œuvre. Lorsque les enquêteurs du FBI ont perquisitionné la maison de Kurniawan en 2012, ils ont trouvé un tas de matériel de faussaire : bouchons, timbres, étiquettes et bouteilles vides. En 2014, il a été condamné à 10 ans de prison. Il a purgé six ans avant d’être libéré et expulsé fin 2020. Ce scandale a fait l’objet d’un documentaire en 2016, Sour Grapes.
Maureen Downey a été enquêtrice principale dans l’affaire Kurniawan. Travaillant comme commissaire-priseur à la fin des années 90 et au début des années 2000, elle a commencé à remarquer un nombre alarmant de contrefaçons. Les étiquettes étaient fausses, les millésimes impossibles, les vins eux-mêmes ne correspondaient pas à leur description. En 2005, elle a quitté les ventes aux enchères pour se consacrer à l’authentification. Elle explique par ailleurs les difficultés d’être une femme dans un tel milieu. Elle affirme ainsi “j’étais une fille qui pissait sur le feu de camp des garçons. J’en parlais haut et fort et personne ne voulait me croire. J’ai dû emmener des gardes du corps à des dégustations de vin, et j’ai été agressée physiquement. C’est beaucoup d’argent. C’est aussi une question d’ego masculin fragile”. Elle reconnaît que l’affaire Kurniawan a tout changé. Depuis cette affaire, ses services sont constamment sollicités par des collectionneurs, des marchands et des maisons de vente aux enchères qui cherchent à garantir leur stock. Elle a par ailleurs formé des centaines d’autres experts, dont M. Moulin.
Elle a créé un système appelé “Chai Vault”, qui utilise la blockchain pour authentifier les bouteilles stockées. Ce système peut mettre à jour les informations au fur et à mesure que les vins changent de mains. Selon elle, “la blockchain fait partie de la solution. Dans 50 ans, lorsque quelqu’un ira acheter cette bouteille, il pourra voir exactement à qui elle a appartenu”.