Eat’s Business #56
Dans ce nouvel épisode de Eat’s Business, la revue de presse du Business de la Bouffe, Olivier Frey et Daniel Coutinho reviennent sur les actualités food de la semaine. On parle de la fin de l’étiquetage obligatoire pour la viande, et du quick commerce qui souffre avec des démissions en masse et cessations d’activité.
On parle également de la consolidation dans l’e-commerce alimentaire Bio, du collapse de notre système alimentaire projeté par The Guardian et on finit avec un projet innovant des pâtes à base de champignon.
L’Express, Origine de la viande : la fin très discrète de l’étiquetage obligatoire, 15/05/2022
L’article met en avant une petite subtilité qui fait que l’étiquetage de l’origine des viandes a disparu en France.
En effet, cette obligation avait été instaurée début 2017, peu de temps après l’affaire des lasagnes à la viande de cheval. Toutefois, celle-ci n’avait été mise en place qu’à titre “expérimental”. Cette expérimentation a pris fin le 31 décembre 2021.
Néanmoins, comme le rappelle l’article, elle avait à la fois le soutien des associations de consommateurs et des éleveurs. En toute logique, ne plus avoir à être transparent sur l’origine de la viande peut amener les industriels à préférer la viande importée pour fabriquer leurs plats préparés. Anne Richard, la directrice d’Inaporc affirme ainsi que “à partir du moment où aucune information ne doit être donnée au consommateur, les industriels seront tentés d’aller chercher la viande là où elle est moins chère, donc pas en France”. Alors que les importations de porc ont augmenté de 10% en 2021 et celles de poulet de plus de 18 %, il est fort probable que ce qu’affirme Anne Richard se réalise. Toutefois, l’article temporise un peu ces propos en mettant en avant le fait que “le choix d’un ingrédient hexagonal et sa mise en valeur par des logos repérables (Volaille française, Le porc français, Viande bovine française) reste un argument efficace pour séduire les consommateurs”.
CNBC, Rapid grocery delivery boom comes to a grinding halt as Getir, Gorillas slash jobs
Getir a déclaré mercredi au personnel qu’elle prévoyait de réduire ses effectifs mondiaux de 14 %. L’entreprise turque emploie plus de 6 000 personnes dans le monde, selon LinkedIn. Ils ont également diminué les dépenses liées aux investissements marketing, aux promotions et à l’expansion. Mardi, Gorillas a déclaré qu’elle prenait la “décision extrêmement difficile” de licencier environ 300 de ses employés, invoquant la nécessité d’atteindre la rentabilité à long terme. L’entreprise berlinoise étudie également la possibilité de se retirer de l’Italie, de l’Espagne, du Danemark et de la Belgique, entre autres “options stratégiques”, afin de se concentrer sur des marchés plus rentables comme les États-Unis, le Royaume-Uni l’Allemagne et la France. Le climat macroéconomique actuel est devenu incroyablement difficile, avec très peu de visibilité sur le moment où les choses vont s’améliorer. Cette incertitude voit les investisseurs réduire considérablement leur appétit pour le risque, privilégiant la rentabilité à la croissance
Challenges, Zapp : le côté obscur des “dark stores”, 19/05/2022 + 20 Minutes, Dark stores à Paris : Après Kol, Zapp ferme ses magasins, la fin d’une « bulle » ?, 13/05/2022
Zapp fait partie des récentes victimes de la consolidation du marché français du Q-commerce. La startup anglais a fermé début avril ses 6 stores parisiens et a annoncé le licenciement de ses 139 salarié(e)s à peine plus d’un an après son lancement pour motifs économiques. Les ex-salariés de Zapp sont désormais en procès avec leur ancien employeur, dont ils accusent les responsables d’avoir sciemment laisser l’entreprise mourir. Comme le résume un responsable d’équipe, “on a senti un délaissement de la France, il n’y avait pas d’investissements malgré les millions d’euros. On était simplement une vitrine commerciale pour permettre aux investisseurs de lever des fonds”.
Certains anciens salariés de Zapp dénoncent au passage les mauvaises conditions de travail chez leur ancien employeur. Cet ancien salarié de Zapp explique ainsi, “j’ai vu certains livreurs craquer sous la pression. Certains pouvaient se retrouver seuls pendant toute une tournée à devoir livrer 50 commandes”. Ainsi, alors que les employés de Zapp avaient alerté leur direction sur leurs conditions de travail, certains livreurs et des préparateurs de commandes affirment qu’ils faisaient régulièrement plus de 50 heures de travail par semaine.
D’après Challenges, qui a pu consulter un document interne, en un an Zapp a cumulé plus de 1 600 arrêts maladie. Et ne parlons pas des erreurs sur les fiches de paie ou des vestes qui « servaient à faire de la pub pour la marque mais (…) n’étaient même pas imperméables ».
Autre problème mis en avant : le gaspillage alimentaire. Ainsi, selon un ancien préparateur de commandes chez Zapp, « le store jetait parfois plus de produits qu’il n’en vendait ». De son côté, Zapp affirme travailler avec des associations comme HopHopFood afin de redistribuer les invendus.
Ecommerce Mag, Le site bio en ligne La Fourche rachète Aurore Market, 19/05/2022
Le site de vente en ligne de produits bio La Fourche vient de racheter son concurrent Aurore Market. Ce rapprochement fait suite au placement en redressement judiciaire, le 12 avril 2022, d’Aurore Market (société Maana).
Les deux sites fonctionnent via un système d’abonnement (59,90 €/an pour La Fourche ; 60€/an pour Aurore Market) et proposent à leurs abonnés des produits bio à prix réduits. Lancé en 2016, Aurore Market comptait plus de 16 000 adhérents. Fondée en 2018, La Fourche a de son côté réussi à attirer plus de 60 000 adhérents.
Comme l’explique Lucas Lefebvre, co-fondateur de La Fourche, “Au-delà d’une concurrence saine depuis quelques années, le combat qui lie Aurore Market et La Fourche est infiniment grand : se battre au jour le jour pour que les Français aient accès à des produits bio de qualité. C’est, j’en suis sûr, une des clés, qui permet de faciliter l’intégration d’Aurore Market”.
Dans leur communiqué, les deux entreprises précisent que “dans un contexte difficile pour l’ensemble du secteur de l’alimentation bio, ce rapprochement permet de garantir une force indépendante sur le marché du bio, tout en permettant de maintenir les débouchés des producteurs d’Aurore Market et de préserver le plus d’emplois possible”.
The Guardian, The banks collapsed in 2008 – and our food system is about to do the same, 19/05/2022
Depuis quelques années, les scientifiques tirent frénétiquement la sonnette d’alarme que les gouvernements refusent d’entendre : le système alimentaire mondial commence à ressembler au système financier mondial à l’approche de 2008.
Beaucoup de gens pensent que la crise alimentaire a été causée par la combinaison de la pandémie et de l’invasion de l’Ukraine. Bien que ces facteurs soient importants, ils ne font en fait qu’aggraver un problème sous-jacent.
Alors que le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014, la tendance a commencé à s’inverser à partir de 2015 et depuis, la faim n’a cessé d’augmenter. En 2020, le nombre de personnes sous-alimentées est repassé à 811 millions en 2020 et ce nombre risque d’augmenter encore cette année. Mais le plus grave c’est, comme l’indique l’auteur de l’article, que cela se produit à “une époque de grande abondance” qui a vu la la production alimentaire mondiale augmenter régulièrement depuis plus d’un demi-siècle.
Pourquoi donc une telle situation ? Selon l’auteur de l’article, “l’alimentation mondiale, comme la finance mondiale, est un système complexe, qui se développe spontanément à partir de milliards d’interactions”. Ces types de systèmes sont résilients dans certaines conditions, car leurs propriétés d’auto-organisation les stabilisent. Mais lorsque le stress s’intensifie, ces mêmes propriétés commencent à transmettre les chocs à travers le réseau. Ainsi, “au-delà d’un certain point, une petite perturbation peut faire basculer l’ensemble du système au-delà de son seuil critique, après quoi il s’effondre, de manière soudaine et imparable”.
Les scientifiques représentent les systèmes complexes comme un maillage de nœuds et de liens. Dans le système alimentaire, les nœuds sont les sociétés qui commercialisent les céréales, les semences et les produits chimiques agricoles, les principaux exportateurs et importateurs et les ports par lesquels transitent les aliments. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.
Fast Company, This startup makes carbon-neutral, high-protein pasta from fungi, 23/05/2022
Focus sur une initiative intéressante d’upcycling : la fabrication de pâtes et de farine non pas à base de blé mais à base de champignon.
Un nombre croissant de start-ups commençaient à utiliser le mycélium, la partie des champignons qui ressemble à une racine, pour fabriquer des substituts de viande à base de protéines végétales. Michelle Ruiz, la fondatrice de Hyfé Foods s’est rendue compte que le mycélium pouvait également être utilisé pour fabriquer une farine riche en protéines et pauvre en glucides pour les pâtes, les tortillas et d’autres aliments généralement préparés avec de la farine de blé.
Ancienne ingénieur chez Exxon, Michelle Ruiz a compris qu’il était possible de fabriquer des produits à base de mycélium suffisamment abordables pour concurrencer ceux à base de blé. La clé est d’utiliser quelque chose qui serait normalement mis au rebut : les eaux usées remplies de sucre provenant de fabricants d’aliments et de boissons comme les brasseries. En effet, les brasseries paient une surtaxe aux usines de traitement des eaux usées pour traiter cette eau sucrée issue du brassage (qui peut représenter jusqu’à 20 % de ses coûts d’exploitation). Or le processus de traitement en question implique l’utilisation de champignons et de bactéries pour consommer la matière organique dans l’eau. C’est donc en quelque sorte un modèle gagnant-gagnant que la startup a mis en place : Hyfé Foods prévoit de facturer à ses partenaires le traitement de l’eau, mais leur fera faire des économies. Dans le même temps, pour les entreprises produisant du mycélium, environ la moitié du coût de production provient de l’achat de sucre, et Hyfé peut éviter ce coût.
De plus, comme le processus permet d’éviter de créer des déchets, il est en fait neutre en carbone. Hyfé Foods vient de réaliser une première levée de fonds de 2 millions de dollars.